Le critère de l’échec appliqué à la foi évangélique

Le moment de l’échec dans le mouvement de la reconnaissance

Le mouvement pour la reconnaissance se définit par la quête d’une reconnaissance de soi, la confrontation à un échec, le retour à ce qui fonde la quête, la possibilité d’un recommencement. Le mouvement de la foi s’inscrit dans le mouvement de la reconnaissance ; quête de justification de soi, échec, retour sur la parole de Dieu, nouvelle compréhension de soi sous la grâce.

Dans ce modèle de mouvement, l’échec est pris au sérieux ; il introduit une rupture qui met en question une poursuite de la pensée dans la continuité, l’oblige à un retour au point de départ, la pousse à une reprise à nouveau frais. Ce modèle de mouvement, où la pensée réagit à l’échec, se différencie du modèle propre à la pensée spéculative, qui entend tabler sur des bases positives. Il introduit la nécessité de la réflexivité critique.

La prise en compte du moment de l’échec a ainsi un caractère qui pourrait être intéressant pour jauger la compréhension de soi d’une instance doctrinale, d’un mouvement de foi ou d’une conception théologique. Essai de vérification à propos de la foi évangélique.

Examen de la compréhension de la conversion dans le mouvement évangélique

Le mouvement évangélique reconnaît à sa compréhension de la foi quatre caractéristiques propres, dont notamment la conversion ou nouvelle naissance (à côté du biblicisme, du crucicentrisme et du militantisme). Dans la mesure où la conversion/nouvelle naissance est constitutive du mouvement de la foi, nous pouvons examiner la manière dont le mouvement évangélique prend en compte le moment de l’échec. Soit dans un ouvrage reconnu dans le mouvement évangélique : La foi évangélique de John Stott ( Editions de la Ligue pour la lecture de la Bible, France, 2000).

L’entrée dans la foi est un changement de ce qui se laisse appréhender comme une conversion et comme une nouvelle naissance. « La conversion est le mouvement par lequel le pécheur se détourne du péché et de l’idolâtrie, mouvement que nous appelons la repentance, et par lequel il se tourne, par la foi, vers Dieu et Jésus-Christ. » (p. 103). La conversion suppose donc une situation d’échec reconnu et de réorientation de vie sur la base d’un nouveau fondement : le Dieu de Jésus-Christ. « La nouvelle naissance est un changement radical, profond, intérieur, opéré par le Saint-Esprit dans la structure la plus intime de la personnalité humaine, en vertu duquel nous recevons une vie nouvelle, un cœur nouveau, et nous prenons un nouveau départ dans la vie. » (p. 105).

« Le Saint-Esprit ne nous abandonne pas une fois qu’il nous a fait naître de nouveau. […] Mieux encore, il demeure en nous. […] A mon avis, tous les chrétiens évangéliques sont unanimes pour affirmer que la présence à demeure du Saint-Esprit dans le croyant est la marque distinctive des enfants de Dieu » (p. 107-109). La présence du Saint-Esprit dans le croyant appelle un travail de sanctification : sur la nouvelle voie qu’il a adoptée, le croyant doit progresser dans son obéissance à Dieu et pourra compter sur le Saint-Esprit pour cela. En ce sens, l’entrée dans la foi par la conversion et la nouvelle naissance ne signifie pas une entrée dans la perfection et l’impeccabilité. Dans le travail de sanctification, il peut y avoir des échecs.

Cependant, la présence du Saint-Esprit à demeure dans le croyant régénéré l’assure de son salut éternel. « La doctrine de la sécurité éternelle du croyant est fortement soulignée par les évangéliques » (p. 110). Autrement dit, le régénéré peut fauter, mais il ne peut plus se trouver sur un chemin de perdition ; il ne peut plus se retrouver parmi les réprouvés comme avant sa conversion et sa régénération.

Ainsi, dans le mouvement évangélique, le moment de l’échec est pris en considération. La foi naît d’un échec reconnu et d’un changement de vie. Mais cet échec radical, qui conduit à une réorientation radicale, ne peut plus se reproduire par la suite. Seules peuvent exister des contrariétés et des imperfections sur le chemin de la sanctification. Mais l’échec radical, pour le régénéré, reste désormais derrière lui. Il n’a plus d’actualité. La compréhension évangélique inclut son possible dépassement.

Marc-André Freudiger

Si le cœur vous en dit allez regarder un fiche parallèle à celle que vous venez de découvrir consacrée au critère de l'échec dans le catholicisme

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